Le milieu des bibliothèques publiques a été grandement chamboulé par les
nouvelles technologies dans les deux dernières décennies. Avec ces changements
technologiques, sont arrivés des changements conceptuels, entre autre, au
niveau du rôle des bibliothécaires et des autres professions documentaires.
Il y a 20 ans, les catalogues des bibliothèques publiques étaient sur
des fiches papier, classées par auteur, titre ou sujet. Pas, ou très peu de
terminaux pour la recherche dans la collection. Cette dernière était
exclusivement papier (livres et périodiques principalement). En tant qu’usager,
l’idée de communiquer autrement que par téléphone, par la poste ou en personne
avec un bibliothécaire pour avoir de l’aide était impensable. De même, les
communications entre les employés se faisaient par les mêmes canaux, en y
ajoutant les mémos écrits.
Qu’en sera-t-il dans 20 ans? Comment les changements apportés par le Web
social, ou Web 2.0, affecteront-ils les communications dans les bibliothèques
publiques? Ce texte tente de présenter la situation actuellement vécue dans les
bibliothèques publiques du Québec, au niveau des structures de communication en
place et des moyens utilisés par les employés pour communiquer entre eux et
pour communiquer avec les usagers. Ensuite, j’aborderai les technologies
actuellement utilisées dans les bibliothèques en lien avec le Web social, ainsi
que les tendances actuelles au niveau des structures de communication.
Finalement, je tenterai d’envisager les changements probables apportés dans ce
milieu par le Web social. Ces hypothèses sont présentées en trois temps :
1 an (début 2014), 5 ans (vers 2018-2020) et 20 ans (vers 2033).
Voyons tout d’abord les deux grandes catégories d’acteurs qui se
croisent dans une bibliothèque publique, leurs rôles et leurs besoins en
communication : les employés (toutes catégories confondues, du directeur
au bénévole) et les usagers (de tous les âges et de toutes les provenances).
Les employés ont comme rôle principal, de rendre accessible
l’information contenue dans les documents faisant partie de la collection de la
bibliothèque, en accord avec le manifeste de
l’UNESCO sur la bibliothèque publique. L’accès à
l’information peut être sous forme papier (document imprimé) ou électronique.
L’accessibilité des documents est composée de plusieurs facteurs : traitement
matériel et intellectuel du document (catalogage, indexation et
classification), emplacement du document (en rayon ou par hyperlien), convivialité
du catalogue d’accès public, aide à la recherche par les employés, etc.
Les besoins des employés au niveau de la communication sont multiples.
Ils doivent recevoir de l’information en provenance de leurs supérieurs
hiérarchiques, échanger avec leurs collègues, envoyer de l’information à leurs
subordonnés et communiquer avec les usagers. Pour ce faire, ils utilisent
plusieurs moyens de communication.
Actuellement, le courriel semble le moyen le plus utilisé pour
communiquer entre les employés. Il peut s’agir de communication verticale, du
supérieur hiérarchique vers ses subordonnés ou de communication horizontale,
entre collègues ou avec des employés d’autres bibliothèques. On peut y créer
des groupes (listes d’adresses de courriel) d’intérêt commun : même type
de poste, même type de clientèle, même type de milieu, etc. Le courriel est à
la fois un outil de communication formel et informel, selon à qui on s’adresse,
le poste qu’on occupe (ou le rôle qu’on joue à ce moment), le sujet abordé et
l’intention du message.
Les autres moyens formels de communication entre employés sont le
téléphone, le mémo papier (ou diffusé sur l’Intranet) et le contact direct
(réunion, par exemple). Quant aux moyens informels de communication, ce sont
les mêmes, à l’exception du mémo, qui lui, garde toujours son caractère formel
(officiel).
Traditionnellement, la structure de communication est verticale dans une
bibliothèque publique. Les gestionnaires diffusent de l’information, par
différents canaux, afin que les employés connaissent les dernières décisions et
puissent s’y conformer. Il peut se créer un semblant de communauté d’intérêt,
si la bibliothèque a plusieurs employés occupant un même type de poste avec les
mêmes genres de responsabilités (bibliothécaire de référence, par exemple). Ce
gens seront vraisemblablement intéressés à partager leurs expériences, trucs et
difficultés dans l’accomplissement de leurs tâches quotidiennes. De même, il se
crée actuellement des communautés entre les employés de différentes
bibliothèques. Ceux-ci communiquent principalement entre eux par le courriel. Mais
des blogues et d’autres sites
Internet existent et permettent d’éviter l’isolement des
employés des petites bibliothèques. Cette communication, peu importe les moyens
qu’elle empruntera, sera plutôt informelle, horizontale et fermée, car réservée
à cette seule communauté.
Quant à la communication des employés avec les usagers, elle suit
généralement une structure formelle. Comme les employés sont les représentants
de l’organisation face au public, ils doivent respecter les règles de cette
dernière dans leurs communications avec les usagers. Les échanges verbaux (en
personne ou par téléphone) sont encore aujourd’hui les plus courants. Quant au
courriel, il est également très utilisé.
De plus, les bibliothèques publiques ont de plus en plus recours aux
technologies du Web 2.0 pour communiquer avec leurs usagers. Beaucoup ont une
page Facebook, un compte Twitter, des fils RSS, un blogue, une chaîne YouTube, un
compte Google+, Twitter, etc. À titre d’exemple, la page d’accueil de Bibliothèque
et Archives nationales du Québec (BAnQ), la plus grande des bibliothèques
publiques du Québec, présente cinq icônes menant vers des médias sociaux :
une page Facebook, un compte
Twitter, plusieurs
fils RSS, un blogue et une
chaîne YouTube. :
Référence : http://www.banq.qc.ca/accueil/
De même, le réseau des bibliothèques de la Ville de Montréal présente
des liens vers une page Facebook, deux comptes Twitter (pour tous
et BiblioJeunes), un
compte Flickr, une chaîne YouTube et un
compte Google+ :
Référence : http://bibliomontreal.com/reseaux-sociaux/
Généralement, ces communications sont formelles, au sens où elles
respectent certaines politiques et règles de publication et sont approuvées par
la direction avant d’être publiées.
Puisque les médias sociaux sont interactifs par définition, les usagers
qui s’abonnent, suivent, visitent, etc. les différents comptes des
bibliothèques peuvent généralement laisser leurs traces, ne serait-ce que sous
forme de commentaires ou de « likes ».
Cependant, les bibliothèques publiques n’ont pas encore intégré
l’étiquetage (tagging) de leurs
ressources dans leurs pratiques. Seules quelques bibliothèques universitaires
le font, à l’aide d’interfaces de catalogues de style « outil de
découverte », qui intègre ce genre de fonctionnalité. Le catalogue Atrium,
de l’Université de Montréal en est un bel
exemple. Les étiquettes sont ajoutées par les utilisateurs de la bibliothèque.
Passons maintenant aux usagers. Ceux-ci ont comme rôle principal de se
procurer de l’information, via les ressources de la bibliothèque et d’utiliser
ses services (animation, accès Internet gratuit, salles de lecture, journaux,
conférences, ateliers, etc.). Leurs besoins en communication sont multiples et
variés.
Tout d’abord, les usagers, surtout les plus jeunes, les natifs numériques,
souhaitent accéder à l’information par eux-mêmes, sans intermédiaire, de façon
autonome. La génération « Google » n’a besoin de personne, surtout
pas d’une vieille bibliothécaire qui a peur des ordinateurs.
De façon générale, les usagers de tous âges souhaitent trouver
rapidement ce dont ils ont besoin, que ce soit le dernier best-seller ou une
information précise dans une base de données spécialisée en sciences. Il faut
donc que l’information soit accessible en fonction de leurs besoins, et non pas
en fonction des besoins des employés. Il n’est pas toujours évident de se
retrouver dans les cotes Dewey
ou Library of Congress
lorsqu’on ne les connaît pas. De même, les fonctionnalités des catalogues sont souvent
bien loin de celles auxquelles les usagers sont habitués. On associe facilement
ordinateur avec Internet, et celui-ci avec Google. Toute interface qui ne ressemble
pas à cette dernière déroute l’utilisateur, et les catalogues actuels des
bibliothèques publiques en sont loin.
Les usagers peuvent communiquer avec les employés via les structures
officielles : en personne, par téléphone, fax, courriel. Parfois, ils
peuvent laisser un commentaire sur un média social. Cependant, les usagers des
bibliothèques publiques ne peuvent communiquer entre eux à l’intérieur des
structures officielles des institutions. Des groupes ou des communautés doivent
donc se créer à l’extérieur de l’institution pour permettre cette
communication, cet échange.
La pérennité des structures de communication des bibliothèques publiques
est variable. Comme il s’agit d’institutions qui sont financées à même les
fonds publics, il demeurera toujours une structure de communication verticale,
afin d’assurer la qualité du service public, sa neutralité et sa cohésion.
Cependant, les structures horizontales (intra et inter bibliothèques) se
développent davantage depuis quelques années, surtout grâce à la facilité de
communication induite par Internet, afin de créer des réseaux, des communautés,
pour partager les expériences du quotidien ou trouver des solutions à des
difficultés. Il y a également des tentatives de communication à double sens, et
non plus à sens unique (transmettre l’information seulement) avec les usagers.
En contrepartie, le besoin d’accéder à de l’information structurée,
organisée et sélectionnée ne disparaîtra pas de sitôt. En fait, ce besoin est
plus criant que jamais, vu l’infobésité actuelle et la difficulté de tri de
cette information continue. Comme le présente Alexandre Serres, dans son texte Contexte et enjeux
de l'évaluation de l'information sur Internet, les risques de l’infobésité
pour les usagers sont multiples : relativisme total (toutes
les informations et leurs sources se valent), refus de faire le travail de
sélection, de choix, intoxication par les rumeurs ou méfiance extrême face aux modes
de transmission plus traditionnels et institutionnalisés.
Quant aux professionnels de
l’information, leur rôle est devenu bipartite. Ils doivent à la
fois voir à la « la description, l'évaluation, la sélection, la
validation des informations et des ressources » qui font partie des collections de la
bibliothèque (et maintenant tenter de faire de même avec des ressources
externes) et accompagner et former les usagers à la recherche et à la sélection
de l’information, principalement dans les ressources externes (Internet), car
ceux-ci veulent chercher par eux-mêmes.
On peut donc affirmer que la communication entre les usagers et les
employés des bibliothèques publiques continuera d’exister. Seuls les moyens et
les canaux de communications devraient changer.
Il est très difficile, pour une institution aussi traditionnelle qu’une
bibliothèque publique, d’accepter et d’intégrer les changements rapides qui
sont le lot du Web 2.0. Certains sont déjà intégrés, d’autres sont utilisés à
sens unique ou en partie, d’autres ne sont même pas envisageables pour
l’instant. Les deux principales raisons sont d’abord d’ordre économique (le
budget est loin d’être pharaonique), puis d’ordre organisationnel (peur de la
perte de contrôle si on laisse les usagers « agir » sur les
collections).
Les tendances actuelles sont multiples et variées, selon le budget de la
bibliothèque et les volontés de ses administrateurs (gestionnaires des bibliothèques
et élus municipaux).
L’une des premières tendances est l’ajout de fils RSS aux sites Internet
des bibliothèques municipales. Ils sont généralement basés sur des catégories prédéterminées
par les bibliothécaires, comme à BAnQ, où 24 fils RSS
distincts sont disponibles. Aucune bibliothèque municipale ne semble offrir
de fil RSS lié à la requête de l’utilisateur, à savoir, être avisé des
nouveautés liées à un sujet précis, à son choix. Le catalogue Atrium de l’Université
de Montréal le permet, ce qui pourrait être une fonctionnalité intéressante
pour les bibliothèques publiques.
Référence: http://atrium.umontreal.ca/primo_library/libweb/action/search.do?dscnt=0&vl%281UI0%29=contains&frbg=&scp.scps=scope%3A%28UM%29%2Cscope%3A%28ContentDM%29%2Cscope%3A%28dspace_marcxml%29%2Cscope%3A%28UM-SFX%29&tab=default_tab&dstmp=1357677192529&srt=rank&ct=search&mode=Basic&dum=true&tb=t&indx=1&vl%28freeText0%29=web+social&vid=UM&fn=search
La plus forte tendance observée actuellement, probablement parce qu’elle demande peu de temps et d’argent, est la page Facebook officielle de la bibliothèque. L’intérêt de cette page pour les usagers (et les employés) est que tous ceux qui y sont abonnés peuvent commenter et indiquer qu’ils aiment un message publié ou la page dans son entier. Il faut cependant qu’elle soit bien alimentée, sinon elle devient obsolète et peu intéressante pour les usagers. Peut-être pensée à l’origine pour rejoindre la clientèle plus jeune (adolescents et jeunes adultes), reconnus pour moins fréquenter la bibliothèque que leurs aînés (ou que les plus jeunes), elle est maintenant dédiée à l’ensemble des usagers de la bibliothèque. Cependant, les relations ainsi créées sont asymétriques, au sens où on ne peut devenir « ami » avec sa bibliothèque municipale. Il semble même impossible, dû moins sur les pages Facebook de BAnQ et des bibliothèques de Montréal, de faire autre chose que commenter les publications et indiquer « J’aime », quoique celle de Montréal permettre d’écrire sur le mur. Les pages Facebook semblent donc être des vitrines publicitaires ouvertes aux commentaires.
La plus forte tendance observée actuellement, probablement parce qu’elle demande peu de temps et d’argent, est la page Facebook officielle de la bibliothèque. L’intérêt de cette page pour les usagers (et les employés) est que tous ceux qui y sont abonnés peuvent commenter et indiquer qu’ils aiment un message publié ou la page dans son entier. Il faut cependant qu’elle soit bien alimentée, sinon elle devient obsolète et peu intéressante pour les usagers. Peut-être pensée à l’origine pour rejoindre la clientèle plus jeune (adolescents et jeunes adultes), reconnus pour moins fréquenter la bibliothèque que leurs aînés (ou que les plus jeunes), elle est maintenant dédiée à l’ensemble des usagers de la bibliothèque. Cependant, les relations ainsi créées sont asymétriques, au sens où on ne peut devenir « ami » avec sa bibliothèque municipale. Il semble même impossible, dû moins sur les pages Facebook de BAnQ et des bibliothèques de Montréal, de faire autre chose que commenter les publications et indiquer « J’aime », quoique celle de Montréal permettre d’écrire sur le mur. Les pages Facebook semblent donc être des vitrines publicitaires ouvertes aux commentaires.
L’autre tendance montante est le compte Twitter, qui demande un peu plus
de temps, car il faut l’alimenter régulièrement et respecter un format précis. Là,
les abonnés peuvent répondre aux tweets ou les retweeter. Le compte Twitter
demande d’avoir de l’information succincte
à transmettre de façon régulière et un ou des employés dédiés à cette
tâche.
Les autres tendances sont les chaînes YouTube et les comptes Flickr. Ces
deux médias sociaux permettent de publier des vidéos et des photographies
gratuitement. Cela permet aux bibliothèques de se créer de la visibilité
gratuitement (à l’exception du coût de production de la vidéo et de la
photographie). Comme le budget de ces institutions est limité, ces deux médias
sociaux sont très intéressants pour promouvoir à moindre coût des services, des
activités ou des événements.
Finalement, quelques bibliothèques ayant plus de personnel (et de
budget) se lancent dans l’aventure du blogue. Là aussi, même si cela demande
peu d’argent (grâce aux hébergeurs gratuits), cette initiative demande beaucoup
de temps et de constance de la part de la bibliothèque.
Malgré le fait que les bibliothèques soient lentes au changement, elles
tentent déjà de s’adapter et de suivre la tendance et continueront à le faire. De
quoi auront l’air les bibliothèques, leurs structures et leurs modes de
communications dans 1 an (début 2014), dans 5 ans (vers 2018) et dans 20 ans (vers
2033)?
Je crois que, d’ici le début de 2014, les bibliothèques publiques
continueront à développer ce qui est déjà en place, que plus de bibliothèques
se joindront au Web 2.0 à partir des pages Facebook, des comptes Twitter et
Flickr, des chaînes YouTube, etc. Ces médias sociaux sont ceux qui sont le plus
intégrés dans le quotidien de la majorité de leurs abonnés. Les bibliothèques
ne sont pas reconnues pour être des précurseurs technologiques, elles ne font
que suivre la parade. Ces médias sociaux sont et seront utilisés pour mieux
communiquer avec les usagers. De plus, l’étiquetage social des documents pourrait
apparaître dans les catalogues des bibliothèques, comme il se fait déjà dans
certaines bibliothèques académiques, ce qui permettrait aux usagers de
participer un peu plus au processus documentaire, mais sans le modifier à sa
source.
À l’interne, entre les employés, le courriel continuera de régner. Il
pourrait cependant y avoir des développements intéressant au niveau des
intranets des organisations. Ces intranets pourraient développer des
fonctionnalités Web 2.0. Par exemple, un forum, un blogue, des pages
personnelles et personnalisables, visibles à tous, etc. Cela permettrait aux
employés de ne pas utiliser leurs comptes de médias sociaux personnels dans le
cadre du travail et de bien partager leur vie privée de leur vie
professionnelle.
D’ici 2018, les tendances de personnalisation et de regroupement
(communautés) vont se renforcer et être présentes partout. La majorité des
bibliothèques publiques offre déjà aux usagers un accès à leur dossier
personnel, où ils retrouvent généralement leurs prêts en cours, leurs
réservations, leurs frais de retard, un panier de documents sélectionnés lors
de leurs recherches, etc. Pour l’instant, les fonctionnalités de ces dossiers
sont peu développées et ne permettent pas vraiment une personnalisation.
Souvent même, on ne peut effectuer de recherche dans le catalogue sans sortir
de son dossier. Les usagers étant de plus en plus habitués à des pages d’accueil
personnalisées et multifonctions, les bibliothèques seront tentées de permettre
un certain niveau de personnalisation du dossier. Sans devenir des pages
Facebook, il serait possible que les usagers enregistrent leurs requêtes et soit
avertis des nouveautés correspondantes, obtiennent des suggestions de lecture
basées sur leurs emprunts précédents, puissent faire des commentaires et des
critiques (reviews) sur les livres
lus, étiquettent des documents, envoient des courriels directement aux
employés, clavardent en direct, etc. Le catalogue pourrait ressembler à ce qu’Amazon
offre actuellement : commentaires, résumés, suggestions, imagettes (thumbnails), étiquettes, etc.
Également, il pourrait se créer des communautés d’usagers à l’intérieur
des bibliothèques. Ils pourraient ainsi communiquer entre eux, échanger et se
réseauter. Il s’agirait évidemment de groupes ad hoc, construits par eux-mêmes,
simplement basés sur des intérêts communs de lecture ou liés à des activités de
la bibliothèque. Il suffirait que les sites Internet et les catalogues des
bibliothèques le permettent au niveau technologique.
D’ici 20 ans, soit d’ici 2033, la crise déjà commencée dans les
professions documentaires atteindra un sommet. Les bibliothèques sont déjà vues
comme obsolètes, surtout celles qui ont peu de ressources électroniques
accessibles à distance, mais vers le début de la décennie 2030, la majorité des
usagers s’attendra à accéder à tous les documents de chez soi, via Internet.
Les professions documentaires seront alors vues comme inutiles et les
professionnels devront travailler très fort pour justifier leur existence. En
plus de devoir faire la promotion des ressources en leur possession, ils
devront développer des moyens de sélectionner, de valider, d’indexer, de
cataloguer et de classifier les ressources qui ne font pas partie des
collections de la bibliothèque. Il ne sera pas question de se substituer à
Google dans l’indexation du Web, mais bien de trouver un moyen, via le
catalogue de la bibliothèque, de fournir une caution (ou un avertissement) pour
le maximum de ressources libres d’accès. C’est ici que les réseaux inter
bibliothèques trouveront toute leur justification. Aucune bibliothèque dans le monde
ne peut tout faire. Et si plusieurs bibliothèques publiques et nationales regroupaient
leurs ressources et expertises pour mettre sur pied un projet de catalogue
mondial des ressources Internet? Un moteur de recherche avec suggestions,
précisions, avertissements, cautions bibliographiques, etc.? La liberté des
usagers serait totale (ils peuvent consulter et utiliser les ressources qu’ils
veulent), mais ils pourraient mieux cerner la crédibilité de ce qu’ils
consultent. Selon Fogg et Tseng, dans leur texte de 1999 The
Elements of Computer Credibility, la crédibilité est associée à une
perception qu’on a d’une information ou d’une personne, en fonction de la
confiance qu’on peut avoir en elle et de l’expertise qu’on lui reconnaît. Très
peu d’usagers d’Internet ont le temps ou la volonté de faire une recherche
exhaustive sur un auteur de site Internet ou sur une information précise. Cela
serait le travail des professions documentaires, qui trouveraient là leur
deuxième souffle.
Finalement, les plus grands changements dans les bibliothèques publiques
toucheront les communications entre les employés et les usagers. Ces derniers devraient
avoir de plus en plus voix au chapitre, ne serait-ce que par des commentaires, des
étiquettes ou la création de communautés de lecteurs. Les employés vivront
également des changements, mais tant que les bibliothèques municipales demeureront
des institutions publiques, la communication se fera surtout de façon verticale
et très formelle. Il devrait cependant y avoir création de communautés intra et
inter bibliothèques, afin de permettre aux employés de se ressourcer et d’échanger.
Les gestionnaires des bibliothèques devront donc accepter une certaine
flexibilité et une ouverture dans les communications entre les employés,
surtout s’ils souhaitent que ce réseautage se déroule dans le cadre du travail.
En conclusion, le Web social aura donc une influence grandissante sur
les technologies utilisées en bibliothèque, ainsi que sur les façons de faire
tant des employés que des usagers. Certaines technologies et comportements sont
et seront bien intégrés (Facebook Twitter, blogues, fils RSS, etc.), d’autres
pourraient être plus difficiles à adopter pour ces milieux, par exemple l’étiquetage
social en lieu et place de l’indexation par les bibliothécaires et le libre
accès à tous les documents existants.